Mahfouz a tenté d’aborder son Akhénaton, d’une manière poétique. Il s’est intéressé à en esquisser la description morale. Le héros “était artiste. Il excellait dans la peinture et la poésie, et s’essaya à sculpter la pierre de ses doigts longs et minces.” Cyril Aldred soutient cet avis, annonçant que “c’était un poète auquel on a attribué des hymnes écrits en l’honneur de son dieu.” Doué dès sa petite enfance, d’une intelligence si remarquable qu’ “il était très mûr pour son âge.” Grâce à ses sentiments poétiques, il était attachant. Mahfouz a exprimé la puissance de son charme lorsque le jeune pharaon a invité les provinces au monothéisme. “Le peuple l’adula, s’enivra à la coupe de ses mots, et jeta à ses pieds son amour tressé de fleurs et d’aromates.” Il a de même influencé le sculpteur Bek en le guidant “vers l’art véritable.” Il se distinguait à la fois par la sincérité, la malice et l’imagination. Malgré son mysticisme et son isolement, il s’avérait opiniâtre. Nakht, son vizir, a dit: “Il m’eût été plus facile d’ébranler les pyramides que d’influencer une décision d’Akhénaton.” Ceci paraît évidemment avec son insistance sur la lutte contre les prêtres d’Amon afin d’imposer sa nouvelle religion. Cependant il était paisible jusqu’au bout. Nous l’écoutons dire à sa mère: “Je n’ordonnerai jamais qu’une seule goutte de sang soit versée!” En ce qui concerne le portrait physique d’Akhénaton, Mahfouz l’a esquissé d’une manière indirecte, il l’a comparé à son frère Thoutmosis qui “était petit, mais beau et bien bâti; Aménophis était grand, mais malingre, très brun, les traits androgynes.” Le romancier égyptien a compati avec son héros. Au lieu d’en citer les défauts, il a attribué cette fonction à d’autres personnages adversaires. Le grand prêtre d’Amon a dit: “L’hérétique était un bâtard. Il était dépourvu de virilité, affublé de traits discordants et d’une allure efféminée.” Si le prêtre a tenu Akhénaton pour un être difforme, le médecin Bantou a adopté un autre point de vue; il a affirmé que le corps du jeune pharaon “avait les caractéristiques réunies d’un homme et d’une femme, de même que ses traits, mais c’était bien un homme, capable d’aimer et de procréer.” Loin d’être faible, celui-ci était présenté comme un homme puissant, imposant sa nouvelle religion. La compassion de l’auteur était tangible lorsqu’il a poussé Néfertiti à dire: “Or mon maître [Akhénaton] vivait dans la vérité.” Ces paroles efficaces justifient le titre du roman: “Le vivant dans la vérité.”